Par Jong-Geun Lee, Rotary club de Wonju, responsable PolioPlus du district 3730
La polio ne m’a jamais rendue la tâche facile, mais je ne l’ai pas non plus laissé me définir. Voici mon histoire.
Je suis né dans un petit village de la campagne sud-coréenne où j’ai contracté la polio à l’âge de 9 mois. La fièvre a duré plusieurs jours et la paralysie a gagné mes jambes, mais le manque de connaissances de l’époque ont empêché mon diagnostic jusqu’à mes deux ans.
Même si je devais marcher avec des béquilles, j’ai eu une enfance active et heureuse entouré de nombreux amis. Mon frère portait mon cartable sur le chemin de l’école et mes camarades me portaient sur leur dos quand il fallait aller en classe à l’étage. J’étais tout de même conscient de mes limitations et c’est pour cette raison que je me suis concentré sur mes études.
Je voulais étudier la médecine, mais ce n’était alors pas une profession accessible aux personnes handicapées comme moi. Je me suis donc rabattu sur l’architecture et j’ai dû travailler encore plus que les autres étudiants. Je comprenais bien la théorie, mais le dessin restait difficile. Mes béquilles me gênaient et m’empêchaient d’utiliser correctement les différentes équerres. Comment imaginer réussir en tant qu’architecte si vous ne pouvez pas tracer des lignes droites ? J’ai pensé abandonner et partir étudier le droit, mais le directeur de l’école m’en a dissuadé. Les règles parallèles sont apparues peu après et j’ai enfin pu tracer des lignes droites.
Lorsque le moment fut venu d’obtenir ma licence d’architecte, toutes ces difficultés se sont manifestées et je n’ai eu mon examen qu’à la huitième tentative. Sur 20 000 architectes diplômés cette année-là, j’étais le seul dont les deux jambes étaient paralysées, ce qui ne m’a pas empêché d’ouvrir mon propre cabinet d’architecte en 1992.
Je me suis alors consacré à l’architecture sans barrière qui permet à toute personne ayant des problèmes de mobilité, comme par exemple des personnes âgées, handicapées ou enceintes, de se déplacer confortablement. On cherche donc à supprimer les bosses ou les marches inutiles. Les encadrements de porte sont plus larges et les immeubles sont équipés de rampes et d’ascenseurs. Tout cela pour que des gens comme moi disposent de conditions d’accessibilité équitables.
J’ai ensuite découvert le Rotary en 2003 au travers d’un ami d’enfance, membre du club de Wonju, qui me l’a présenté en mettant en avant ses efforts d’éradication de la polio. Je dois dire que rejoindre le Rotary est probablement la meilleure chose que j’ai faite dans ma vie.
Un collègue rotarien ayant rejoint le club à la même époque que moi, Dai Bong Yu, gouverneur 2022/2023 du district 3730, me disait toujours qu’en tant qu’architecte il fallait que je monte au sommet d’une montagne locale pour avoir une vue d’ensemble sur la ville. C’est ainsi qu’un jour de printemps, lui et une vingtaine de membres de mon club m’ont accueilli avec un support qu’ils avaient fabriqué pour pouvoir me porter sur leurs dos jusqu’au sommet à 1 043 mètres d’altitude. C’est une expérience et un signe de solidarité que je n’oublierai jamais. Grâce au Rotary, je n’avais plus la polio ce jour-là.
J’ai depuis été le 51e président de mon club en 2013/2014 et je suis aujourd’hui responsable PolioPlus de mon district. Lorsque je fais des présentations devant des membres du Rotary ou lorsque l’on me demande pourquoi il est important d’éradiquer la polio, je réponds toujours que je ne souhaite mon parcours et cette maladie à personne.
Cela fait maintenant 70 ans que j’ai contracté la polio et je suis toujours nerveux lorsque je me déplace. La peur de trébucher ne me quitte jamais. Il existe de nombreuses maladies qui peuvent causer un handicap, mais la polio est évitable et éradicable. En tant que Rotarien rescapé de la polio, j’appelle chacun de nous à faire de notre mieux pour enfin éradiquer cette terrible maladie.